Nouvelle note demain
Désolé, je n'ai pas eu le temps de poster l'article du Seanachie pour raisons diverses. Je vous mets ça en ligne demain avant minuit.
Bonne soirée
Le tonnelier.
passage express
Hop, hop, hop. Juste un passage éclair pour m'excuser de ne pas pouvoir répondre aux mails ( rembarque ce soir pour Finlande ). Le Tonnelier assure l'intérim et publiera quelques articles et croquis dans la semaine, s'il ne perd pas la clé USB contenant les articles d'avance dans un obscur lieu de débauche.
Bonne continuation à tous.
Le Seanachie
La fin du poisson.
Bon, le travail du poisson a nécessité quelques articles mais comme c’est un peu le but du métier, il fallait y passer quelques temps. D’ailleurs cet article est encore à ce sujet, mais c’est le dernier.
Une fois le poisson nettoyé, il faut aussi l’affaler en cale mais aussi nettoyer le pont. On commencera par faire glisser les piles de bacs (un bon mètre cinquante de haut) sur le pont jusqu’au panneau de cale. Il s’agit d’une entreprise assez périlleuse, en ce sens que si la pile s’écroule, on est bon pour recommencer le tri et la mise en bac. Après le travail, ça fait toujours plaisir. Après ça, du bout et un palan à deux crochets suffisent à affaler les bacs en cale où le calier va les stocker et amarrer.
Le coté sportif de la chose se révèle quand la mer commence à s’agiter un peu. Les bacs ont tendance à faire le pendule au dessus du panneau de cale et il faut à la fois être assez rapide pour profiter du bon moment sans toutefois l’être de trop pour éviter d’assommer le calier.
Ensuite un coup de nettoyage. Ca n’a l’air de rien mais pour être honnête c’était un peu ma hantise au départ. Imaginez-vous avec un mal de mer terrible, fatigué, sortant du boulot et devant charrier des bacs pleins de tripaille de lotte (avec cette odeur toujours aussi abominable – et oui, je ne peux vraiment pas supporter les lottes-).
Bref, après ça, un coup de manche à incendie pour nettoyer le pont des monceaux d’étoiles de mer et d’oursins qui y restent et nous voilà à respirer un grand coup : le premier trait est passé.
Il reste cependant encore beaucoup à apprendre : la cale, les manœuvres du chalut, les manettes, les reprises d’avaries et la passerelle. C’est d’ailleurs la passerelle, pour changer un peu, ce qu’on verra dans le prochain article.
Nettoyage et pestilence
Nettoyage
Pour finir rapidement avec le poisson, ce que va donner la pêche ne se mesure pas à la quantité mais à la qualité du poisson. Les poissons nobles comme les poissons plats (sole, limande, plie, saint-pierre, turbot) le bar et la lotte sont rentables même en « petites » quantité, le chien (petit requin). En revanche affaler des tonnes de rougets ou de chiens (petits requins) ne rapportera pas grand-chose. Il y a aussi des espèces dont certains représentants ne vaudront rien et d’autres seront plus rentables (par ex : la daurade royale se vend bien mais la daurade grise ne vaut pas tripette par rapport à elle).
Nous avons donc terminé le tri : le poisson est en vrac mais par espèces dans les bacs. Il va falloir maintenant le vider et le nettoyer. Le vider s’apprendra avec le temps, en tant que jeune matelot on commencera uniquement par le nettoyage.
Et nous allons retrouver une vieille amie : la lotte. Autant le dire tout de suite : elle va nous fracturer les roupettes de A à Z. En effet, la baudroie ouverte a une odeur abominable, entre le munster, le rat crevé et les égouts (mais qu’est-ce qu’ils bouffent ces bestiaux ?). Je m’en voudrais d’insister mais c’est bien ce que j’ai croisé de plus pestilentiel dans ma vie : en embarquant, l’odeur de poisson et de gas-oil est déjà prenante quand on n’est pas habitué mais on s’aperçoit que ce n’était que de légères traces restantes. Un vague sillage de channel n°5 en comparaison. Quand on est déjà malade comme un chien à la base, les choses ne s’arrangent pas des masses.
Pour le nettoyage donc, des manchettes (tuyaux de faible diamètre) sont disposé sous le pont couvert ; il suffit d’en récupérer un et de faire le lavage sans oublier de brosser les dents et de shampouiner la moquette. Le petit soucis rencontré est que, lorsqu’ils étaient dans le parc, les poissons baignaient dans l’encre de seiche. Nous aussi d’ailleurs et parfois ces facétieuses bébêtes vous envoient un jet d'encre en plein dans votre faciès réjoui.
Le poisson est donc recouvert d’encre qu’il faudra nettoyer. S’ils ont une grande gueule, il faudra aussi nettoyer l’intérieur de la gueule et si ce sont des poissons de fond (comme la lotte, toujours elle…) il faudra ôter le sable qui est dans leur gueule et s’est mélangé à l’encre.
Certains poissons sont ouverts (donc nettoyage de l’intérieur en plus) d'autres non. La raie est couverte d’un mucus gluant à éliminer en plus de l'encre. Elle a d’ailleurs la particularité d’aspirer l’encre dans les voies respiratoires et de la restituer après. Ce qui fait que 30 secondes après le passage au polish, elle se retrouve de nouveau noire.
Au fur et à mesure, stockage dans les bacs, toujours par espèces et par taille. C’est la partie ludique avec les gros poissons comme les lottes. Certaines ne rentrent pas entières dans les bacs alors on cherche la combinaison idéale (alors la grosse comme ça avec les deux petites comme ça. Ah bah non avec la moyenne comme ça, plutôt? Tiens j'avais pas vu celle là, ça va être parfait.). Bref, on s’amuse comme on peut.
Les petits poissons, eux, sont rangés comme au parking, debout et en épis. Le problème survient quand on a presque fini la rangé et qu’ils se mettent tous sur le flanc comme des domino à cause d’une vague ou d’un changement de cap. Ou quand un bar toujours vivace donne un grand coup dans l’ensemble.
Ensuite on empile tout ça avant de les affaler dans la cale. Mais avant, trois épreuves sont encore à passer : l’inspection, le débarrassage et la stabilité.
Tout d’abord l’inspection : quand on est novice le bosco passe derrière pour vérifier si le poisson est nickel car le prix de vente en dépend. Du sable dans la gueule d’une lotte (eh oui) ou une raie qui a dégorgé trop d’encre et on repart à la case départ, sans toucher 20 000F.
Ensuite le premier coup de balai et la stabilité. Mais là, c’est suite au prochain numéro.
Prédateurs II
Enfin le troisième, dit crâne de fer. Le congre. Le serpent de mer matérialisé. A ma première embarque, j’en avais un qui s’enroulait autour d’une jambe et un autre qui me chiquait joyeusement la botte. Trouée depuis, la botte. Cette abomination a une mâchoire d’une puissance assez impressionnante et garde tout son tonus hors de l’eau. De plus, même un coup de gourdin ne la fait pas broncher.
C’est à cette occasion que j’ai eu mon premier succès d’estime dans l’équipage. Enervé par la voie d’eau de la botte et ayant fait un peu de karaté, j’ai tué le congre d’un coup de poing net. Le collègue qui leur donnait un grand coup de barre de fer sur le crâne et ne réussissait qu’à l’assommer quelques temps a été fort surpris et ma cote a fait un bond vers le haut.
Le congre est aussi doué d'une certaine vigueur qui ferait plaisir à voir s'il était en train de batifoler sous l'eau. Propulser un engin d'1m50, doté d'un corps aussi glissant que puissant dans un bac est un vrai calvaire. Si on y arrive, cela aura été de toutes façons inutile puisqu'il enverra tout balader.
On pourra aussi évoquer la raie, dont certaines sont munies d'un dard venimeux et coupant comme un rasoir. La prendre par la queue est une erreur fatale. On le réalise après avoir une paire de gants coupés net (ainsi que la viande contenue). Etre suffisamment inattentif pour ne pas s’apercevoir que le dard se recourbe comme un scorpion avant de piquer est une autre erreur.
L'ami du pêcheur serait peut-être la margatte, c'est à dire la seiche ainsi que l'encornet. Au moins, ça ne mord pas, ça n'a pas à être vidée ni nettoyée. Malheureusement, le cours n'est pas très élevé.
Prochaine note: quelques poissons intéressants, vidage et nettoyage, ensuite on passe un peu à autre chose.
Le tri
Le tri
Le musicien doit connaître ses gammes, le militaire son règlement, le flic ses abus de pouvoirs. Chaque profession a ses règles de base à connaître. Au chalut, les spécialités sont multiples : un gazier curieux passera à la machine, à la passerelle ou à la cale en sus du travail quotidien. Ceci dit et avant toute chose, connaître ses poissons est le point de départ.
On commence par faire la connaissance de 5 d’entre eux, trois prédateurs et deux bestiaux plutôt sympathiques.
Au premier tri, on se retrouve devant une masse informe de poissons de toutes tailles et couleurs. Les collègues prennent quelques minutes pour faire l’inventaire des poiscailles diverses au novice, tout en sachant qu’il n’aura rien retenu. On se contente donc de regarder ce qu’il y a dans tel ou tel bac et d’y jeter les poissons y ressemblant vaguement.
C’est alors qu’on fait la connaissance des prédateurs de marins pêcheurs.
Le premier poisson qu’on remarque est le rouget. Petit, rouge et mignon, il n’inspire aucune méfiance. Grave erreur.
Sous son apparence de poisson à aquarium cette sale bête planque des épines dorsales plus ou moins venimeuses mais surtout plus que moins affûtées. Lorsqu’on la prend à rebrousse poil (rebrousse écailles ?), cette ignominie de la nature en profite pour vous planter sauvagement deux ou trois épines dans la main. Le réflexe naturel étant, outre de pousser une gueulante, de retirer vivement sa main, le bout de l’épine casse. Entre l’infection et l’eau de mer qui creuse, vous venez de partir pour une petite plaie qui vous accompagnera affectueusement durant tout votre voyage et en guérira qu’une fois à terre et au sec.
C’est le porc-épic des mers. En plus vicieux.
Le second est tout aussi fourbe. Il s’agit de la lotte. Elle, au moins ne cache pas ses mauvaises intentions. Avec sa gueule de poisson passé sous un camion et la queue du mickey qui lui pend entre les yeux, elle n’a vraiment pas une tête à faire le héros dans une série B.
La lotte (ou baudroie) a adopté la tactique du piège à loup et de la patience. Sereine, elle attend la main innocente du marin qui va forcément placer ses doigts dans sa mâchoire.
Drame.
A ce moment l’horrible referme les mâchoires. Clac. Clac et aïe. Le réflexe de se dégager est toujours présent malheureusement. Je dis malheureusement parce que la lotte a la particularité d’avoir les dents qui galopent après la nourriture. C'est-à-dire qu’en retirant la main, on s’empale sur les dents vers l’arrière.
Suite au prochainn numéro avec le troisième de ces messieurs, héritier du serpent de mer et du squale.
Edit: désolé pour Matthieu, comme j'ai eu des problèmes de spam il faut que j'approuve les commentaires pour qu'ils soient publiés. Et comme j'ai une mémoire de bulot, je n'y pense jamais. Du coup, comme le blog est fait au départ pour les amis, il me contactent directement et je ne pense plus à regarder les commentaires. Erreur réparée.
Premier trait!
Nous voici donc « route pêche ». Le trajet se fait en quelques heure ou une journée selon l’éloignement du coin de pêche. Pendant ce trajet, c’est le nettoyage de la cale avec le calier, comme j’en ai déjà parlé. Ce sont aussi les dernières vérifications puis nous voici sur zone.
A ce moment, l’un des deux ordres qui vont tous nous marquer est lancé :
-A FILER !
Filer le chalut c’est tout simplement le mettre à l’eau. Lors du premier embarquement on ne touche à rien, les funes se baladent de partout, les flotteurs et bourrelets du chalut claquent, les panneaux cognent contre les flancs du bateau. Bref, c’est la fête.
Au début, on attend donc que le chalut soit filé en observant comment tout ça se goupille. Une fois tout le bazar envoyé par le fond c’est la pause café, on va dormir, regarder un film, discuter, s’occuper en somme. Trois heures plus tard, nouvel ordre. Cet ordre, on l’entendra jour et nuit, toutes les trois heures, quelque soit l’état de la mer ou le notre.
-A VIRER !
Craché par le haut parleur du poste d’équipage lorsqu’on dort, beuglé dans le carré lorsqu’on s’abrutit devant un film, murmuré à la passerelle, cet ordre va régler notre vie pendant deux semaines. Tout le monde se précipite sur le pont accompagné par le bruit caractéristique des treuils qui virent le chalut jusqu’au pont. L’opération est toujours la même, l’inverse du filage:
-on décapelle les panneaux des funes
-on décapelle le chalut du treuil pour le crocher sur l’enrouleur
-on le croche sur l’enrouleur et on commence à l’enrouler
-une fois le chalut presque totalement enroulé, le cul du chalut sort de l’eau avec son précieux contenu
-on saisit alors le cul du chalut avec un nouveau treuil, le treuil de cailhorne et on l’amène au dessus du parc où on va en ouvrir le fond
-à ce moment, une fois vidé, le chalut est totalement viré et amarré sur l’enrouleur et on file l’autre chalut.
Pour le moment, en tant que novice, il s’agit de regarder et d’assimiler. Pas question de faire le guignol sur le pont. Par contre, dès le deuxième chalut filé, on saute dans le parc pour trier les poissons par taille et espèce. Trois d’entre elles sont à retenir avant tout mais c’est l’histoire de la prochaine note.