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Carnet de bord d'un marin pêcheur
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15 novembre 2006

Superstitions marines

Nous en étions donc à la cale, héritage d’une ancestrale tradition. Les traditions marines se perdent énormément et la nouvelle génération n’en conserve que quelques traces. Il y a encore peu de temps, le pèlerinage et le cierge à Ste Marie étaient de rigueur avant de partir pour une longue campagne. Certains ne faisaient d’ailleurs brûler que la moitié du cierge, obligeant ainsi les cieux à leur être cléments, bon gré, mal gré pour leur permettre de brûler l’autre moitié au débarquement. Le 15 août, jour de Marie, voyait les pêcheurs planter une bougie dans leur manne de sel et chanter quelques cantiques avant de reprendre le travail. Quelques manifestations un peu plus blasphématoires se déroulaient quelques fois, tel ce capitaine excédé par un temps pourri qui plaça la statuette de la vierge dans un seau d’eau jusqu’à l’accalmie. Après tout, il n’y avait pas de raison à ce que seuls les marins soient trempés. Aujourd’hui le dernier vestige de tout ceci est une statuette de la Vierge placée à la timonerie et quelques superstitions. La plus notable est l’interdiction formelle de prononcer le mot « lapin ». Toujours vivace, cette superstition remonte aux voiliers dont les haubans et les arrimages de cargaison étaient un met de choix pour les rongeurs. Quand perd son mât ou que la coque est éventrée par des barriques de 200l roulant dans la cale, on a de bonne raisons de ne plus vouloir entendre parler de rongeurs, évidemment. On parlera donc à bord de « bêtes à longues oreilles » ou on placera deux doigts derrière la tête pour indiquer que l’on parle de ces bestiaux du diable. Pour l’anecdote, un anonyme inconnu et qui a de bonnes raisons de le rester a un jour croché une patte de lapin à un des panneaux d’un de mes chalutiers. Il faut tout de même savoir qu’un matelot a refusé d’embarquer et qu’un autre ne l’a fait qu’au prix de longues négociations… Et qu’aucun d’entre nous n’avait l’esprit tranquille pendant la marée : ce ne sont que des légendes mais sait-on jamais ? Autre superstition, siffler est rigoureusement interdit sur certains chalutiers. Sur les anciens voiliers, on sifflait pour attirer le vent et on s’arrêtait dès sa venue pour ne pas le courroucer. Aujourd’hui le vent est dans la cale, le moteur, et nous nous passons très bien de lui. Il vient suffisamment souvent à notre goût pour que nous nous amusions à l’inviter. Enfin, plus un lien privilégié qu’une superstition, le lien qui unit les marins aux dauphins et marsouins est aussi présent qu’au premier jour. Quand les dauphins viennent jouer avec le bateau, le travail s’arrête souvent pour les voir passer et les saluer. Quand un soleil levant diffuse ses premiers éclats sur le bateau, la mer et ces amis, les images restent gravé dans la mémoire. Je n’ai personnellement jamais vu de dauphin se prendre dans les chaluts, il semblerait qu’ils se soient habitués à ce mode de pêche, mais l’un d’eux s’est un jour emmêlé dans la toile d’un collègue et même après quelques années, il en gardait encore de la tristesse. Cela dit il semble que le rapport au dauphin soit beaucoup plus pragmatique en méditerranée et qu’il soit plus considéré comme un poisson semblable aux autres. C’est du moins ce que j’ai pu observer là bas. C’est là l’essentiel des traditions conservées, avec le baptême du mousse qui se retrouve généralement suspendu par les pieds, la tête plongée dans un bac de seiche (et de leur encre) au sortir de sa première marée. J’ai personnellement pu y échapper, ce qui a comblé d’aise mon amie de l’époque (qui a tout de même dû supporter une odeur de poisson suffocante lors des 40km du retour, odeur qui a nécessité quelques semaines pour s’évacuer malgré une impressionnante brochette de sapins magiques au rétroviseur). La partie la plus conservée des coutumes reste cela dit le « langage marin » ce dont je parlerai dans la prochaine note. Un retour sur les superstitions et coutumes marines plus approfondi s'envisagera. Note: Plus de scanner pour le moment = plus de croquis pour le moment.
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